Franchiseurs, attention à la loi sur la résiliation des concessions 8/8

  • Créé le : 10/07/2017
  • Modifé le : 15/03/2019
Suite de l’article sur « La loi relative à l’information pré contractuelle – Spécificités belges du droit de la franchise »

Cet article va traiter de la la loi relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée – Spécificités belges du droit de la franchise.

1- Application au contrat de franchise

Le titre 3 du livre X du Code de droit économique (articles X.35. et suivants), qui reprend le régime prévu par la loi du 27 juillet 1961, prévoit une protection particulière en cas de résiliation unilatérale :

  • d’un contrat de  concession de vente
  • exclusive, quasi exclusive ou imposant au concessionnaire des obligations importantes
  • conclu pour une durée indéterminée.

Le contrat de concession de vente est défini comme étant celui par lequel le distributeur achète et revend, en son nom et pour son compte, les produits contractuels.
La question de savoir si la protection prévue par cette loi peut trouver à s’appliquer à un contrat de franchise fait l’objet de controverses.

Certains soutiennent que le contrat de franchise est un contrat spécifique, qui absorbe une éventuelle concession exclusive de vente et justifie un traitement particulier, de telle sorte que les dispositions spécifiques aux contrats de concession n’auraient pas vocation à s’appliquer à la résiliation d’un contrat de franchise.

D’autres tentent de distinguer le principal de l’accessoire. Dès lors que « l’enseigne, le savoir-faire et l’assistance cèdent le pas au droit d’acheter et n’en sont en vérité que l’accessoire », les dispositions spécifiques aux contrats de concession seraient susceptibles de s’appliquer. Cette loi ne trouverait donc à s’appliquer que si l’objet essentiel du contrat était l’achat et la vente par l’un des produits de l’autre.

Par contre, si les prestations essentielles du franchiseur sont la transmission d’un certain savoir-faire et l’autorisation d’utiliser certaines modalités distinctives, le contrat de franchise « absorbera » le contrat de concession exclusive.

A l’instar d’autres auteurs, il nous semble que la résiliation d’une franchise de distribution doit être soumise au titre 3 du livre X CDE, pour autant que les conditions d’application de cette loi soient remplies. En effet, la plupart des contrats de franchise de distribution comportent tous les éléments de la définition légale d’une concession de vente.

Tenter de reconnaître à la franchise une spécificité qui écarterait l’application possible du titre 3 du livre X CDE serait selon nous méconnaître les termes très larges et précis de la définition donnée par cette loi à la concession de vente.

Rappelons par ailleurs que cette loi accorde au juge le pouvoir exceptionnel de statuer en équité en ce qui concerne la détermination du préavis raisonnable, de la « juste » indemnité ou du montant de l’indemnité complémentaire. Le tribunal saisi d’un litige relatif à la résiliation unilatérale d’un contrat de franchise de distribution pourrait donc modérer sa décision à la hausse ou à la baisse selon les cas pour tenir compte de la spécificité du contrat de franchise par rapport à une concession de vente « pure et simple ».

La reconnaissance de la spécificité du contrat de franchise ne doit donc pas se traduire par son affranchissement d’une législation impérative et protectrice de la partie la plus faible comme l’est le titre 3 du livre X CDE. La position inverse nous paraît d’autant plus paradoxale qu’en l’absence de législation spécifique sur le contrat de franchise, la position adoptée par l’ensemble des fédérations professionnelles et reprises dans le code européen de déontologie est précisément d’insister sur la nécessité de veiller au caractère équilibré de la relation ou encore à ce que la durée du contrat soit suffisante que pour permettre au franchisé de procéder à l’amortissement de ses investissements. Ces considérations animeront le juge amené à faire application du titre 3 du livre X CDE.

2- Contenu de la loi

Si les conditions d’application de la loi sont remplies, la loi prévoit que, en dehors des hypothèses de faute grave, il ne pourra être mis fin au contrat que moyennant un  « préavis raisonnable »  ou une « juste indemnité ». La loi ne contient ici aucune indication quant au mode de calcul de ce préavis. Elle précise toutefois que ce délai ne peut être convenu entre parties au plus tôt qu’après résiliation du contrat, que ce préavis doit être calculé en tenant compte, le cas échéant, des usages et que le juge dispose du pouvoir de statuer en équité.

Le préavis raisonnable peut être défini comme le délai nécessaire pour que le concessionnaire « retrouve une situation équivalente » elle-même définie comme « une source de revenus nets équivalente à celle qui a été perdue » .

Sur base de différents critères, la jurisprudence accorde alors des délais de préavis pouvant varier de trois à trente-six mois.

Lorsque la résiliation intervient sans délai de préavis (sans pour autant être justifiée par un motif grave éventuel) ou est assortie d’un préavis insuffisant, le concessionnaire a le droit de réclamer le bénéfice d’une « juste » indemnité compensatoire de préavis.

Cette indemnité est donc destinée à procurer au concessionnaire les mêmes avantages que ceux qu’il aurait pu retirer de la poursuite du contrat pendant la durée du préavis qui eût normalement dû lui être consentie.

On prendra donc en considération soit le « bénéfice semi-net » (c’est-à-dire le bénéfice net généré par l’activité, majoré des frais généraux incompressibles, c’est-à-dire des frais étroitement liés à la concession et que le concessionnaire devra continuer à supporter après résiliation (tels que loyer, charges fixes, etc.)) ou, à l’inverse, le bénéfice semi-brut (c’est-à-dire le bénéfice brut dégagé par l’activité, sous déduction des frais compressibles, c’est-à-dire des frais qui peuvent être immédiatement réduits).

Le concessionnaire évincé pourra également prétendre à une indemnité complémentaire, recouvrant trois postes distincts, étant :

  • Une indemnité de clientèle,
  • Une indemnité pour frais,
  • Une indemnité pour les dédits payés au personnel.

Le poste le plus important est celui de l’indemnité de clientèle que concessionnaire peut réclamer à la condition qu’il y ait une plus-value de clientèle, que cette plus-value soit notable, c’est-à-dire importante, qu’elle ait été apportée par le concessionnaire et qu’elle reste acquise au concédant après résiliation du contrat.  

Le Code ne contient malheureusement à nouveau aucun élément objectif de calcul de cette indemnité, se bornant à nouveau à répéter qu’elle doit être calculée en équité.

La jurisprudence est ici des plus chaotiques. Certaines décisions procèdent à une évaluation en équité sans plus de précision.  D’autres prennent un pourcentage du chiffre d’affaires de la dernière année précédant la résiliation, d’autres encore se réfèrent au bénéfice net moyen, au bénéfice brut moyen, voire à un pourcentage du bénéfice brut annuel …

Enfin, si la question n’est pas régie par la loi, la jurisprudence et la doctrine considèrent généralement que, si le contrat est muet sur ce point, le concédant est tenu de reprendre le stock de produits contractuels encore en possession du concessionnaire après résiliation.

Mentionnons encore les deux dispositions dérogatoires au droit commun que le CDE contient au sujet des contrats à durée déterminée :
D’une part, il est prévu que lorsqu’un contrat de concession a été conclu pour une durée déterminée, « les parties sont censées avoir consenti à un renouvellement du contrat, soit pour une durée indéterminée, soit pour la durée prévue dans une clause éventuelle de reconduction tacite, à défaut pour elles d’avoir notifié un préavis par lettre recommandée trois mois au moins et six mois au plus avant l’échéance convenue ».
D’autre part, il est prévu que si un contrat à durée déterminée a fait l’objet de deux renouvellements, tout  prorogation ultérieure sera réputée être consentie pour une durée indéterminée (article X.38., alinéa 2). Cette disposition a donc pour effet d’empêcher les fabricants ou importateurs de recourir au mécanisme de contrats renouvelables annuellement pour échapper à l’application de la loi.

Remerciements aux auteurs

AC Franchise remercie les auteurs de ce texte :
Patrick Kileste et Cécile Staudt,
spécialistes du droit de la franchise
KMS Partners Avocats au Barreau de Bruxelles

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